dimanche 20 juin 2004

Un cri dans l'infini ?

Bien fait ce truc... efficace... j'aime les solutions efficaces...

J'étais en train de me demander comment quelqu'un pourrait tomber sur ce blog si je n'en parle à personne... et quelle en serait son utilité si je le gardais secret... l'anonymat me permettra sans doute de me sentir plus libre, de pouvoir raconter des détails sans risquer d'offusquer qui que ce soit de mes connaissances...

Oui, c'est décidé, ce blog sera un défouloir. En temps de crise, et en temps de joie. Pourvoir hurler ma haine, mon dégoût de la vie. Mais aussi tout ce qui fait que je l'aime, que je l'adore, cette putain de vie de merde.

Je vais donc te raconter cet épisode mystique, cher lecteur. Celui que je peux rarement évoquer en vrai sans avoir les larmes aux yeux. Celui qui m'a donné cet amour infini pour cette misérable existence.

Ma maladie affaiblit les muscles, peu à peu. Elle peut être stable des années durant, puis d'un coup s'attaquer à telle ou telle partie, et rendre certains muscles complétement flasques. C'est ce qui est arrivé quand j'ai eu 10 ans. Les muscles de mon dos ont cessé de me tenir droit, et je suis devenu un tordu, un bossu. De plus en plus. Mes parents se sont inquiété, et nous sommes allé voir un spécialiste.

Ils ont décidé de la marche à suivre. Des mutilations que j'allais devoir subir. J'avais 11 ans. Ils m'ont ouvert du cou aux fesses, et ils ont accroché un anneau de métal à chaque vertèbre. Ensuite ils ont glissé des tiges de métal dans ces anneaux, pour maintenir la colonne droite. Des tuteurs, en somme. Marrant de mettre un tuteur à une plante non ? (je ne peux m'empêcher de rire).

Bref, après moultes échecs, essais, désespoirs, maladies transmises par le sang, etc, etc, j'ai survécu. J'étais droit. Affaibli, mais droit comme un piquet, deux tiges d'acier dans le dos. J'ai appris à les accepter, à vivre avec. J'avais 12 ans.

A 17 ans, ma croissance a fait bouger tout ce fourbi. Peut-on imaginer comment on gère des bouts de métal en soi qui décident de ne pas être d'accord avec ce que la nature a décidé ? Moi pas... Il a fallu plusieurs semaines d'echymoses à la fesse gauche pour comprendre que le métal voulait sortir... re-spécialiste... re-boucherie en prévision... je n'en pouvais plus... mon destin était d'y rester, pour de bon.

Je me suis intéressé aux philosophies orientales, au Bouddhisme et au Zen. Oui, à 17 ans, je lisais des livres pour adultes en quête du sens de la vie. Je ne sais pas si j'ai trouvé le Nirvana, mais j'ai trouvé un sens. Ou du moins, une manière d'accepter le destin qui me frappait sans cesse semble-t-il. Je ne maîtrise rien. Personne ne maîtrise rien. Vouloir lutter est inutile. Du moins contre ce genre de choses. Il fallait de l'abnégation et du stoïcisme. Je m'en suis armé, paré comme d'une armure scintillante, et j'ai accepté le combat. L'ultime combat, me semblait-il. Avant de partir en salle d'op, j'ai dit au revoir à mes parent et à mes grand parents. C'était un adieu, pour moi. J'allais mourrir au combat, mais comme un samouraï. Sans aucun regret, en affrontant mon destin. J'allais succomber au scalpel et au bistouri. Qu'importe, je ne souffrirais plus. Ma mort serait bien plus pénible pour mes proches que pour moi...

Réveil. Hein ? Quoi ? Comment ça ? Réveil ?! J'étais en vie ? Mais oui ! (je parie que tu l'avais deviné, lecteur sagace...). Un miracle ? Non, tout simplement mon destin. J'ai triomphé.

Là, sur mon lit de misère, les yeux embués de larmes, percés de tuyaux, rappiécé d'une nouvelle cicatrice énorme, couché sur le dos. J'étais en vie. En piteux état, mais en vie. J'ai pleuré de joie. Oui, de joie. Ma vie continuerait. Elle serait difficile, mais belle. Plus riche que celle de la plupart des gens. Remplie de surprises, de combats, d'échecs, de victoires... Je suis né à nouveau ce jour. J'étais moi, en vie. Et depuis ce jour, la soif de vivre ne m'a jamais plus quitté...

Ma vie serait belle, riche, intense. J'en connaissais le prix à présent. Elle vaut toutes ces heures de souffrance physiques, mais aussi morales. Cette vie ne m'appartient plus, elle appartient au destin, puisqu'il me l'a rendue. Il en fera ce qu'il veut, mais elle ne sera pas gâchée. Même au plus bas, dans les trefonds les plus noirs de cette existence, elle aura un sens. Elle servira à donner. Donner sans rien attendre, juste témoigner. Donner de l'amour, de l'amitié, de la joie, de l'aide, de la compassion. Une compassion infinie envers tous ces autres humains qui, commme moi, ont du mal à trouver leur place. S'il ne doit rien rester de moi à part ces tiges de métal, je voudrais qu'il reste au moins un petit souvenir : c'était quelqu'un de bien, de vraiment bien.

C'est étrange d'imaginer que personne ne lira peut-être ces lignes... je suis curieux de voir quelles vont être les réactions de ce cri dans l'infini...

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Space Oddity

This is Major Tom to ground control I’ve left forevermore And I’m floating in most peculiar way And the stars look very different today  ...