vendredi 20 août 2004

From Dusk Till Dawn

Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.

Qu'est-ce que c'est ?

Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.

Merde. Connerie de truc.

Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.

2h14 du mat'. Un vrai plaisir.

Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.

J'avais prévenu ce foutu truc. Plus de pitié.

Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.Bip.

Ah ça s'arrête. Mais ne crois pas que tu vas échapper à ta sentence, saloperie de truc de merde !

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je ne supporte pas d'être réveillé pour rien au milieu d'un rêve par un bruit strident, surtout à deux pas des vacances. Et surtout par un truc dont l'inutilité est flagrante et dont l'existence seule est justifiée par le marketing. Quand on achète un nouveau rasoir, on a en cadeau socle-réveil pour le poser dessus. A mon avis le mec qui a inventé ça n'a jamais pensé qu'on ne dormait pas dans sa salle de bain, ou qu'on ne se rasait pas en dormant. Et il n'a pas pensé non plus qu'il serait utile d'avoir la moindre indication pour régler l'heure ou l'alarme de ce truc de merde, 2 boutons et un écran LCD bon marché n'étant pas toujours assez parlant pour les pauvres consommateurs que nous sommes, même quand ils ont fait 5 ans de laborieuses études dans le domaine des nouvelles technologies.

La vraie fautive est sans doute ma mère (une fois de plus), qui au lieu de jeter immédiatement ce truc maudit dès l'achat, a jugé bon de le poser hors de mon atteinte sur ma table de nuit. Inutile, mais on le garde, on ne sait jamais. S'il y a bien une victime du lavage de cerveau mondial, c'est bien elle. Je vous raconterai une fois comment elle arrive à ramener des sacs de voyage en promo de chez Aldi, alors qu'il y a 10 ans qu'elle n'a pas quitté la maison familiale.

Bref, mon courroux est là, ce putain de socle réveil va ramasser. Ah oui mais j'oubliais un détail. Je suis couché sur le dos, comme une tortue, avec mes coussins sous les jambes, et l'objet maudit est hors d'atteinte. Peu importe. J'allume ma lampe de chevet. Je le vois, à 1m de moi, sur la petite table, me narguant de son bip bip en devenir. J'attrape ma télécommande, pour en faire une extension de mon bras, et j'arrive à choper le truc. Il est là, dans mes mains. Carré, on dirait de l'alu, juste une heure fantaisiste (normal on a jamais pu le régler) : 4h46. Pourquoi sonne-t-il ? Pourquoi a-t-il fallu que juste là maintenant, il décide de m'emmerder ? Je me fous de ces réponses. Il va subir le sort que je lui réserve, l'anéantissement total.

Quelqu'un n'ayant pas mes problèmes l'aurait probablement éclaté contre le mur. Ou l'aurait posé délicatement à terre avant de l'exploser d'un coup de talon bien placé. C'est sans oublier mon statut de légume pacifique et pacifiste, mon manque de force dans les doigts et les bras, et le fait qu'il est 2h20 du mat', et que je suis seul, face à lui. C'est comme s'il m'avait déjà vaincu. Il me nargue, ce petit objet de plastique (finalement ce n'est pas de l'alu, c'est du plaqué alu). Dois-je ravaler ma colère, et accepter d'être la victime de ce bidule sans raison d'exister ? Le reposer, éteindre la lampe, et me rendormir, en espérant qu'il ne sonnera plus ?

Je ne peux m'y résoudre. C'est le genre de situation qui ne peut arriver qu'à moi, je pense. Quand on n'a pas l'usage de son corps, on voit les choses différemment. Le fait de se faire réveiller au milieu de la nuit agace tout le monde. Mais le fait de pouvoir extérioriser sa colère sur cet objet futile, le détruire pour matérialiser sa supériorité, c'est à la portée de tout le monde. Ou presque. Me serait-il supérieur ?

Il reste l'instinct, la rage, et le dernier outil dont la nature m'a doté pour permettre ma survie qui fonctionne encore. C'est puéril et ridicule, je le sais. Mais je ne pouvais pas le laisser me ridiculiser. Je l'ai mordu. Le plastique n'a pas résisté longtemps au muscle le plus puissant de mon corps, ma mâchoire d'acier. J'ai réduit les côtés en miette, les ai recraché, et ai réussi à l'ouvrir avec un truc en plastique plus solide qui traînait sur ma petite table à roulette. J'ai déconnecté le panneau LCD, j'ai tapé quelques fois ce qu'il restait de cet immonde truc sur le coin en marbre de la table de nuit. J'ai vaincu. C'est puéril, mais ça fait parfois du bien de savoir qu'on n'est pas qu'une victime quand on le veut.

Merde, bien réveillé, du coup (le désossement de ma petite victime a quand-même pris 20 minutes). J'éteins la lampe. Je me dis que je raconterai ce coup d'éclat si particulier dans mon blog. Les minutes passent. Je me rend compte que c'est ma position qui ne va plus, j'ai trop bougé pour attraper ce truc de merde. Il ne me reste qu'une solution. Appeler Y. pour qu'elle me mette sur mon côté et changer de position. 3h du mat, ça va pas la faire rire. Tant pis, j'ai besoin de sommeil.

Je me retrouve à crier. Comme un enfant, un nourisson, totalement impuissant face au monde extérieur, j'appelle ma mère. Mon cri résonne dans le vide de la maison. Elle dort profondément, et ne m'entend pas. J'augmente le volume. J'espace les cris. Je continue de réfléchir au ridicule de la situation. Aucun mec de 29 ans ne dois appeler sa mère à l'aide en pleine nuit. Je dois une fois de plus me résoudre aux gestes les plus puérils, à l'asservissement involontaire. Je l'appelle encore. Je l'entend grogner. Encore quelques minutes dans le noir. Elle arrive, ébourrifée à faire peur. Elle me change de position, sans voir le cadavre mutilé du socle-de-rasoir-réveil.

Me voilà sur le côté, je peux m'endormir.

Au réveil, j'ai du me justifier de ma poussée de colère. Encore quelque chose qui n'est propre qu'à moi. Et j'ai aussi du subir son rire, quand elle m'a dit que le truc avait recommencé à sonner dans la poubelle, en début de matinée...


1 commentaire:

Unknown a dit…

Ca m'arrive aussi, ça fait du bien de voir que ça n'arrive pas qu'à nous...Il m'arrive de pleurer de rage impuissante comme une enfant dans ces moments. Merci de m'avoir fait découvert ton blog... :)

Space Oddity

This is Major Tom to ground control I’ve left forevermore And I’m floating in most peculiar way And the stars look very different today  ...